Un ange de douleur, la neuropathie ou polynévrite sensitive, s’est couché sur mon corps. Sans prévenir. Sans rien me dire. Depuis, je souffre et me pose des questions aux multiples réponses. Les mois ont passé, la vieillesse est venue, plus cruelle encore.
Je demande à Dieu, à la Trinité sainte, à la Vierge très pure, mère de Dieu, mère de Jésus le Christ Rédempteur, de m’aider dans cette période intense et rare, que je n’ai jamais de comparable connue.
Les savants disent, il n’y a pas de remèdes, il faut prendre de la vitamine B. C’est la litanie de ces vitamines B1, B2, B6, B12. Je dois attendre encore avant de recevoir d’autres explications, d’autres conseils.
« Il faut marcher, beaucoup marcher » disent-ils. J’obéis avec ma canne et mon chien. Mais une promenade de vingt minutes autrefois me prend maintenant trois quarts d’heure, et je suis bien content d’y parvenir, car avant les conclusions des derniers médecins, mes promenades douloureuses étaient raccourcies.
Moi, qui durant 80 ans, n’ai jamais connu de cliniques avec leurs appareils impressionnants, leurs scanners et autres modernités soignantes que manipulent des techniciens, j’ai, en deux semaines, vu le spectacle des malades ou patients, qui se perdent dans les dédales des hôpitaux, qui sont renvoyés d’un service à l’autre, avant d’ouvrir la bonne porte et de parler au spécialiste de leur douleur.
Il est évident que je pense à la mort même si, jusqu’à présent, on ne me l’annonce pas proche. Il y a beaucoup de silence dans le dialogue médical.
Il y a celui qui sait face à celui qui n’a pas le code pour comprendre les termes médicaux et les résultats de l’analyse de sang décryptés par les laboratoires.
Tous les gestes médicaux posés sur le corps ne sont pas nécessairement annoncés, ni expliqués. Je préfère fermer les yeux, en état de self défense, espérant, quoique sans illusion, car il n’y a pas de joie dans ces rencontres.
Il ne fait pas très chaud dans les couloirs.
Il faut rester poli, répondre à toutes les questions.
La profession médicale a un statut très élevé dans l’échelle des activités humaines car chacun, tôt ou tard, rencontrera un ou des docteur dans l’espoir d’une guérison. Mais si le choix est libre, le patient ignore souvent tout au sujet des spécialistes et de sa maladie.
Le patient patiente et doit rester poli.
Certains médecins admirables consacrent beaucoup de temps à votre cas, mais vous dit-il la vérité ? Se confier à lui est facile, mais lui faire confiance n’est pas automatique. Le doute fait partie du dialogue. Certains vont voir un grand nombre de médecins avant de trouver celui qui les guérira. Miracle. Mais si la guérison n’arrive pas, la vie s’assombrit et ne trouve d’autre choix que la résignation si on garde assez de forces.
Dans le couloir de la clinique, un couple sort d’un cabinet médical. Le mari est affligé de deux béquilles, il avance très lentement le corps tordu comme si ses jambes étaient très abîmées. J’entends le médecin dire à l’épouse : « Il faut qu’il bouge. Il doit marcher davantage. »
Il y a de moins en moins de généralistes. Les médecins sont devenus des spécialistes, chacun d’une seule partie du corps. Ils sont diplômés à la fin de longues années d’études pour ce morceau de votre précieux corps : la main, les poumons, l’estomac, le cœur, la circulation du sang, les nerfs, le cerveau, etc. Mais si votre corps ressent des douleurs un peu partout, il faudra se rendre tour à tour chez chaque spécialiste d’un des organes supposés malades. Le dermatologue ne se prononcera pas au sujet de l’état du cœur du patient. Si nécessaire, il l’enverra chez le cardiologue, multiples rendez-vous, consultations, échographies et radiographies, et attendre les avis de chaque spécialiste après les consultations pour obtenir enfin une synthèse basée sur le parcours effectué. Il s’agit de fermer des portes, et de patienter entre chaque rendez-vous en espérant survivre au temps qui passe.
Le monde médical est très fermé, composé d’initiés, dans lequel entre le patient terrorisé. Sera-t-il écouté ? Entendu ? Aimé ?
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