La souffrance intolérable des chômeurs, jeunes ou vieux, qui sont des rejetés ou se considèrent tels, après les centaines de lettres de candidatures adressées tout azimut, sans jamais de réponse, sans avoir été convoqués à un premier entretien, sans avoir eu l’occasion de s’exprimer, d’être vus et écoutés, ne fut-ce que par un seul employeur.
Le sans-emploi finit par être écrasé par la pression sociale : il devient l’incapable-de s’intégrer-dans-la-société, la seule qui compte, celle des travailleurs, celle de ceux qui gagnent leur vie.
Il ne trouve pas de solution.
Ligoté par sa famille dans un domicile peu confortable, exigu, il faut s’occuper des enfants, le bain du matin, les couches, les biberons, les panades, supporter les cris perçants, faire manger, surveiller le bambin qui, à quatre pattes, déambule sur le modeste parquet tandis que l’épouse a dit, à ce soir, laissant seul le père humilié car elle a un petit job qui les aide à faire face aux dépenses. S’il reçoit des indemnités de chômage, cela ne suffira pas pour l’achat d’une voiture, les taxes, le chauffage et l’électricité ; pas de sorties, pas de cinémas ni de restaurant, pas de vacances ou très courtes chez les beaux-parents qui ont un bungalow à la mer.
Il faut affronter les regards des frères et des soeurs, des beaux-frères et des belles-sœurs, et des cousins lors des réunions de famille, où on lui dira : « Alors que deviens-tu ? » Ses proches ont réussi à entrer dans le système, celui des esclaves qui perdent leur vie à la gagner, mais qui ne vivent pas, comme lui, dans la solitude étouffante des laissés-pour-compte. Il porte les stigmates de celui qui ne compte pas.
Il se laisse aller, ne se rase plus qu’une fois par semaine, néglige ses vêtements, ses cheveux ne sont plus peignés, son vieux pull-over a des taches, il mange peu à midi, cuisiner le fatigue, il manque d’appétit, a la langue blanche. Il s’allonge l’après-midi une heure ou deux sur son lit, alors qu’il a promis à sa femme qu’il promènerait, pour l’aérer, l’enfant dans la poussette, mais il a préféré le garder au lit et allonger la sieste jusqu’à ce que bébé crie, alors il se relève, il lui donne son goûter, un petit beurre écrasé dans une purée de bananes.
Une heure avant le retour de sa femme, il met en marche l’aspirateur dans le living et la chambre à coucher, efface les poussières de-ci de-là, refait le lit conjugal où il n’a plus vécu l’extase depuis des mois, prépare sur la table de la cuisine une salade vinaigrée, des tranches de fromage, et du pain gris qu’accompagnera une bouteille de vin rouge pas cher.
Quand elle rentre, c’est elle qui couche l’enfant.
A table, face à face, il lui trouve les traits tirés. Il boit deux verres pour se donner du courage. Sa femme retire vite la bouteille. Elle n’aime pas l’alcool. Il la laisse mettre de l’ordre dans la cuisine, la vaisselle à ranger, tandis que dans le canapé, il regarde les nouvelles sur TF1, et parfois un match de foot qui fera fuir sa femme. « Je vais me coucher, dit-elle, ne reste pas longtemps dans le living ».
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L’impudeur des films, surtout celle dans les séries actuelles, parfois bien filmées, dans lesquelles les metteurs en scène se croient obligés de placer dès le début une scène d’étreinte, (non pornographique heureusement), d’une effroyable vulgarité, où l’homme est brutal et la femme dégoûtée s’accroche à lui comme une grenouille. Ces acteurs et actrices obligés sous peine de ne pas obtenir le rôle, de se soumettre à ce qui est devenu « normal », ce qui les dégrade comme sont dégradés les spectateurs à qui sont servis des films aussi ignobles que les films pornos.
On regrette les baisers des actrices d’Hitchcock et le train qui entre dans le tunnel !
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Le drame de la sexualité est son manque de variété, de découvertes, ses limites. Les obsédés du sexe sont des êtres peu humains. Si le moteur du couple est le sexe, on peut parier qu’il sera la cause première de la séparation, du divorce, dans les disputes et les cris. Le sexe permet la reproduction, l’arrivée d’autres vivants, mais ne peut garantir la durée du couple.
C’est l’horreur de ces mariages où l’homme et la femme très vite n’ont plus rien à se dire, vu que leurs corps sont devenus ennuyeux à explorer.
L’homme et la femme qui s’aiment encore, malgré le temps qui passe, ont placé le sexe après l’amitié. Encore faut-il que les esprits se reconnaissent et s’acceptent.
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Me font rire les hommes célibataires, dans la quarantaine, qui disent : « Quand j’aurai des enfants ! »
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Avec Dieu, à mon avis, il faut mettre en premier la reconnaissance ou le remerciement avant la demande. Notre Créateur connait nos besoins mieux que nous. C’est à nous de nous débrouiller d’abord, de faire face aux obstacles, sachant qu’Il est à l’arrière-plan et ne nous lâche pas des yeux.
Si nous tombons dans le péché ou la maladie, Il est le premier à prévenir notre chute et à nous relever.
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Que de femmes sont malheureuses, solitaires, fatiguées, gémissantes, abandonnées, trahies, esclaves de parents âgés ou malades, ou victimes d’enfants ingrats qui règlent leurs comptes, qui refusent de leur parler – pas un téléphone, pas un sms – et qui empêchent les grand-mères de connaitre leurs petits-enfants.
Nulle visite quand elles seront malades, alitées ou démentes enfermées.
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Je n’envie pas les vieillards qui continuent à faire du sport. Les voir courir en short et camisole de couleur, un bandeau autour de la tête pour arrêter la transpiration, observer leur course saccadée à petits pas déhanchés vers l’infarctus, est un spectacle risible et pathétique.
L’agonisant refuse la mort prochaine et montre qu’il est encore en vie pour bien nous emm…
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Rien de tel pour réconforter un déprimé que de l’inviter au restaurant. J’en ai guéri plus d’un par de bon repas offerts dans un joli décor et servis avec respect. Le fait de changer de cadre permet au dépressif d’oublier ses idées noires et ses ruminations. Cela demande de la patience mais c’est efficace. Les déprimés souffrent d’un manque d’égards.
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Il est illusoire de penser que les vivants s’intéressent à leurs défunts. Il suffit de voir dans les cimetières les tombes défraîchies, abandonnées, les pierres tombales non fleuries à la Toussaint ou brisées sous l’effet de pluies et du gel de plusieurs hivers. Interrogez un jeune de plus de 15 ans ! Il ignore les noms et prénoms de ses arrière-grands-parents, et peut-être ne faut-il pas remonter si haut dans le temps. Connaît-il seulement le nom de jeune fille de sa mère ?
Pauvres morts, pauvres créatures disparues après avoir enduré tant de soucis et de peines que vous avez tues. Vous avez supporté une fin de vie, avec les handicaps et les maladies des vieillards, en chaise roulante, au lit, peu visités par des enfants ingrats toujours trop occupés, et pour certains, le suicide comme dernière échappée. Vous fûtes aussi entourés par des enfants morts, et vos importantes fortunes ne comblèrent pas vos chagrins.
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Dernier salut
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Je voudrais te dire bonjour, te prendre par la main
Toi que j’aime depuis longtemps
Que je ne vois plus
Tes séjours à l’étranger, des marchés à conclure, turelure,
Les belles d’amour s’amusent sur les plages.
Permets que mes doigts s’accrochent à tes cheveux
Que je tâte ton crâne sur ton cou dressé de bonne mine
J’épingle sous mes ongles un pou qui se balade.
Tu fermes les paupières sous ma caresse douce
Tes lèvres s’entrouvrent je vois le rose de ta langue
Tu ne parleras pas, mon cœur s’est emballé
Approche un peu que nos bouches s’épousent.
Ecoute les battements ding dong
C’est l’heure de monter nous coucher
Nous couvrir des linceuls que la vieille nous tend
Qui fermera sur nous la boîte du cercueil.
Poème 2019
H de Meeûs
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Conseils de lectures :
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1°) J-K Huysmans, Romans et Nouvelles, Pléiade Gallimard, 1.791 pages, octobre 2019.
2°) Philippe Sands, Retour à Lemberg, Albin Michel, 2017, 539 p.
3°) Jean-François Solnon, Histoire des favoris, 445 pages, Perrin, septembre 2019
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Un grand écrivain français Joris-Karl Huysmans (1848-1907) chez lui
Huysmans naît le 5 février 1848 au no 11 (actuel no 9) de la rue Suger dans le 6e arrondissement de Paris, d'un père néerlandais du nom de Godfried Huysmans, lithographe de profession, et d'une mère française, Malvina Badin, maîtresse d'école. Il passe toute son enfance dans cette maison. Il fit toute sa carrière au ministère de l'Intérieur, où il entra en 1866. En 1880, il collabore au journal Le Gaulois, hostile à l'expulsion des jésuites décrétée par le gouvernement. Sous la pression de ses supérieurs hiérarchiques, il cesse sa collaboration. En tant que romancier et critique d’art, il prit une part active à la vie littéraire et artistique française dans le dernier quart du XIXe siècle et jusqu’à sa mort, en 1907.Défenseur du naturalisme à ses débuts, il rompit avec cette école pour explorer les possibilités nouvelles offertes par le symbolisme, et devint le principal représentant de l’esthétique fin de siècle. Dans la dernière partie de sa vie, il se convertit au catholicisme, renoua avec la tradition de la littérature mystique et fut un ami de l'abbé Mugnier. Atteint d’un cancer de la mâchoire, J.-K. Huysmans mourut à son domicile parisien le 12 mai 1907, et est inhumé à Paris au cimetière du Montparnasse. (Wikipedia)
En octobre 2019, Gallimard lui consacre un livre dans la Collection de la Pléiade, où sont repris ses Romans et ses Nouvelles : Marthe, Les Sœurs Vatard, Sac au dos, En Ménage, A Vau-l’eau, A Rebours, Un Dilemme, En Rade, Là-bas, En route.