La Prière de Saint Augustin « Seigneur, qu'est-ce
que j'aime quand je T'aime ? » :
Je ne doute pas, mais je suis sûr, dans ma conscience, Seigneur que je T'aime. Tu as frappé mon coeur de ton Verbe et je T'ai aimé. De partout, ciel et terre et tout ce qu'ils
contiennent me disent de T'aimer et Tu ne cesses de le dire à tous les hommes afin qu'ils n'aient pas d'excuse. Qu'est-ce que j'aime quand je T'aime ? Ce n'est pas la beauté d'un corps ni le
vertige d'un moment ni l'éclat de la lumière - cette lumière si chère à mes yeux – ni la douceur des cantilènes, avec leurs variations, ni la senteur des fleurs, des parfums et des arômes, ni la
manne ni le miel, ni les membres qui s'enlacent dans les étreintes de la chair ; non ! Ce n'est pas ce que j'aime quand j'aime mon Dieu. Et pourtant, il est une lumière, une voix, un parfum,
une nourriture, une étreinte de l'homme intérieur qui est en moi, où brille pour mon âme une lumière que le temps n'emporte pas, où s'exhale un parfum que le vent ne dissipe pas, où se savoure
une nourriture que la voracité ne réduit pas, où se nouent les enlacements qu'aucune satiété ne désenlace, voilà ce que j'aime quand j'aime mon Dieu.
Amen !
Saint Augustin d’Hippone (354-430) - Les Confessions 10, 6-8
***
A l’époque des « Gilets jaunes » (2018-2019), lire le début de l’acte 1 dans la pièce de théâtre La Guerre civile, écrite en 1957, d’Henry de Montherlant:
Rideau baissé, la voix – féminine – de la Guerre civile éclate avec véhémence, de la fosse d’orchestre.
La Guerre civile : « Je suis la Guerre civile. Et j’en ai marre de voir ces andouilles se regarder en vis-à-vis sur deux lignes, comme s’il s’agissait de leurs sottes guerres nationales. Je ne suis pas la guerre des fourrés et des champs. Je suis la guerre du forum farouche, la guerre des prisons et des rues, celle du voisin contre le voisin, celle du rival contre le rival, celle de l’ami contre l’ami. Je suis la Guerre civile, je suis la bonne guerre, celle où l’on sait pourquoi l’on tue et qui l’on tue : le loup dévore l’agneau, mais il ne le hait pas ; tandis que le loup hait le loup. Je régénère et je retrempe un peuple ; il y a des peuples qui ont disparu dans des guerres nationales ; il n’y en a pas qui aient disparu dans une guerre civile. Je réveille les plus démunis des hommes de leur vie hébétée et moutonnière ; leur pensée endormie se réveille sur un point, ensuite se réveille sur tous les autres, comme un feu qui avance. Je suis le feu qui avance et qui brûle, et qui éclaire en brûlant. Je suis la Guerre civile, je suis la bonne guerre. »
***
Il est exact au XXème siècle que de nombreux nobles, s’ils avaient les moyens financiers, essayaient de garder cuisinières et domestiques le plus longtemps possible à leur service, même très âgés. Mais ces domestiques n’étaient pas toujours déclarés, ni bien payés. Ils vivaient souvent dans une chambre mal chauffée sous les toitures du château, descendaient vers 6h30 allumer les feux dans la grande cuisine souterraine et n’en sortaient qu’après le souper. Un dimanche après-midi de libre mais ils devaient rentrer le soir préparer le souper des maîtres.
Le papier de toilettes de leur w-c dans les sous-sols étaient des morceaux de journal découpé tandis que les aristos utilisaient un papier w-c plus luxueux pour leur délicat derrière !!! etc, etc. On aimait les vieux domestiques fidèles comme on aime son chien. Et ils restent à tout jamais dans la mémoire.
La publicité qui envahit, telle un tsunami de jour et de nuit, les médias et les chaînes TV, notamment les plus perverses et hypocrites, celles des infos continues, et toutes les autres, finira par rendre les esprits de plus en plus malades.
Les humains, gavés par cette ignominie, après une journée d’esclaves au travail avec chefs et collègues à bout de nerfs, rentrés chez eux s’affalant dans canapés et fauteuils, sont obligés, de voir ces films à but publicitaire sur toutes les chaînes, d’écouter les messages vendeurs, tous plus laids, plus stupides les uns que les autres, programmés des centaines, des milliers de fois, chaque jour, en rafales répétitives, redoublés dans la même minute, à la queue-leu-leu comme si un seul message ne suffisait pas pour le public abêti.
Ces firmes « créatrices publicitaires » dépensent des millions pour asséner chaque jour leurs programmes commerciaux qui font perdre aux spectateurs toute envie de réfléchir. L’information véritable devient secondaire. Il faut consommer pour être heureux. Ce sont des heures sacrifiées chaque jour à la vision de ces films de plus en plus agressifs dans l’étalage des biens à consommer d’urgence, de plus en plus luxueux : voitures SUV de toutes marques et qui se ressemblent toutes, croisières sur des paquebots hauts comme d’immenses buildings, sociétés d’assurances couvrant tous les risques imaginables, banques les plus attractives, et mille autres offres les plus radieuses.
Le temps consacré au vrai travail, celui de l’esprit, des journalistes à l’antenne se rétrécit toujours plus. Les Télévisions dirigées par des marchands obligent les professionnels de l’info à dire, dans un minimum de temps, un maximum d’infos toujours plus accrocheuses, exagérées, dramatisées, et répétées toutes les dix minutes. Le scandale de l’annonce choc !
Tout devient mensonge. Et les politiques, et les chefs de l’Eglise, sont absents, totalement absents. Malheur à eux !
***
Après onze samedis (fin 2018 début 2019) de manifestations des Gilets jaunes en France, précédés par les casseurs masqués, cruels, ceux des fins de journée, on ne voit pas encore comment le Pouvoir macronien pourra se dégager de ces émeutes qui épuisent les Français. Tant de haines ! Tant de discussions partout ! Chacun donne son avis ! Un grand débat où les Français, ivres de mots, pourront se lâcher. La synthèse future de ces débats ? Une bouillie vomie par une population excédée ?
Les experts politologues, les éditorialistes, les interprètes de la société passent des heures sur les chaînes d’informations continues à détailler les incidents dramatisés par les projections hystériques, répétitives, des scènes de guerre civile filmées au plus près des grenades défensives, des lacrymogènes, des tabassages de policiers et de civils. Les vitrines volent en éclat, les voitures brûlent dans les rues, on arrache pour le détruire le mobilier urbain, on casse et on pille, on court, on frappe, c’est la fête ! Paris s’éveille … L’Arc de Triomphe est souillé, les préfectures flambent …
Des milliers de blessés, des dizaines de borgnes et des mains arrachées ! Les Français devant leurs TV sont au spectacle.
Comment sortir de ce cauchemar ? Dissolution des Chambres ? Ou empoignades générales et tueries ? Jupiter descend dans l’Enfer de Dante avec la population de France …
***
Aux approches de la mort, ne pas se faire d’illusion : c’est la grande solitude. Les êtres les plus aimés se sont éloignés. On contemple les murs gris de la chambre de clinique. Il faut être prêt à tout et ne s’étonner de rien. Vous visiter sera une corvée pour les proches.
***
« La crise de la masculinité est une forme rhétorique spécifique qui s’exprime quand les femmes avancent collectivement vers plus d’égalité et de liberté. »
« Les femmes sont devenues si puissantes que notre indépendance est compromise à l’intérieur même de nos foyers, qu’elle est ridiculisée et foulée aux pieds en public. » Caton l’Ancien, 195 avant J-C.
(Deux extraits de La Crise de la masculinité de Francis Dupuis-Déri, Editions du Remue-ménage, février 2019, 320 pp. 22 eur.)
***
Il faut se plonger dans les deux admirables Pléiades de Kafka éditées en septembre 2018 par Gallimard, soit Œuvres complètes, tome 1 Nouvelles et récits, et tome 2 Romans. La toute nouvelle traduction est un pur chef d’œuvre.
Une des plus extraordinaires Nouvelles est Le Terrier, admirable texte, un des plus beaux du XXè siècle, à lire dans le tome 1, dont voici un très court extrait :
« Mais ce qu’il y a de plus beau dans mon terrier, c’est son silence, certes, il est trompeur, il peut soudainement être interrompu, et alors c’est la fin de tout, mais pour l’instant il règne encore, je peux déambuler des heures durant dans mes galeries sans rien entendre d’autre que, parfois, le frottement d’une quelconque petite bestiole, que je calme aussitôt entre mes dents, ou un ruissellement de terre qui me signale la nécessité de quelque réparation, sinon tout est silencieux. L’air de la forêt pénètre doucement, il est tout à la fois chaud et frais, parfois je m’étire et me tourne et retourne dans la galerie, tellement je suis bien. En vue de la vieillesse qui approche, il est bon d’avoir un terrier comme celui-là, de s’être mis un toit sur la tête, quand commence l’automne.
Tous les cent mètres à peu près, j’ai élargi les galeries pour en faire de petites places rondes où je peux confortablement me mettre en boule, profiter de ma propre chaleur et ne plus bouger. Je dors là du doux sommeil de la paix, du désir calmé, du but atteint, de la possession d’une maison. Je ne sais pas si c’est une habitude de l’ancien temps ou si les dangers qui, malgré tout, menacent jusqu’à cette maison sont assez forts pour me réveiller, mais régulièrement une frayeur soudaine me tire en sursaut d’un sommeil profond, et alors je tends l’oreille, j’essaie de percer ce silence qui règne ici immuablement, jour et nuit, je souris, rassuré, et plonge, tous les membres détendus, dans un sommeil encore plus profond. Pauvres voyageurs sans maison, sur les grand-routes, dans les forêts, blottis au mieux dans un tas de feuilles ou au milieu d’une harde de camarades, exposés à toutes les malédictions du ciel et de la terre ! Je suis couché là, sur une place protégée de tous côtés – il y en a plus de cinquante du même genre dans mon terrier –, et je sens s’écouler alors, entre la somnolence qui gagne et le sommeil sans conscience, les heures que je choisis à cette fin comme bon me semble. » (Pléiade, Franz Kafka, œuvres complètes, tome 1 Nouvelles et récits, page 959 et 960.)