« Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous. »
(Kafka, lettre à Oskar Pollak, 27 janvier 1904)
« La vie, toute la vie est un coup monté. » (Antonin Artaud)
« Par Dieu, j’entends un être absolument infini, c’est-à-dire une substance constituée par une infinité d’attributs, chacun d’eux exprimant une essence éternelle et infinie », Baruch Spinoza, Ethique, Partie I : « De Dieu – Définition VI, dans Ethique de Spinoza, Livre de poche, p.83.
Dans ma jeunesse, on apprenait au catéchisme que Dieu était partout, voyait tout, savait tout. Enfant, je recevais l’enseignement
sur « l’infinitude » de Dieu, telle que Spinoza l’a démontrée dans son Ethique. Catéchisme et philosophie se rejoignaient. L’infinité de Dieu veut dire
qu’il existe dans et en dehors de l’espace et du temps et n’est pas limité par eux. « Infini » signifie « sans limites. » Quand nous faisons référence à l’infinité de Dieu, nous pensons
généralement à son omniscience, à son omnipotence et à son omniprésence.
L’omniscience signifie que Dieu
sait tout, qu’il a une connaissance infinie. Il sait non seulement tout ce qui arrivera, mais aussi tout ce qui aurait pu arriver.
L’omnipotence signifie que Dieu est tout-puissant, qu’il a une puissance infinie. Puisqu’il est omnipotent et d’une puissance infinie, rien ne peut empêcher sa volonté et ses desseins divins de s’accomplir.
L’omniprésence signifie que Dieu est toujours présent. Il n’y a aucun endroit où vous pouvez échapper à sa présence. Il n’est pas limité par l’espace et le temps : il est présent partout et à chaque instant. Il a toujours existé et existera toujours. Avant la nuit des temps, il était là. Avant que le monde, ou même la matière, ne soient créés, il existait. Il n’a ni commencement ni fin, il n’y a jamais eu de temps où il n’existait pas et il n’y en aura jamais où il aura cessé d’exister. Il y a beaucoup de versets bibliques qui nous révèlent cet aspect de la nature de Dieu, comme par exemple Psaumes 139.7-10 : « Où irais-je loin de ton Esprit, et où fuirais-je loin de ta face ? Si je monte aux cieux, tu y es ; si je me couche au séjour des morts, t’y voilà. Si je prends les ailes de l’aurore, et que j’aille habiter à l’extrémité de la mer, là aussi ta main me conduira, et ta droite me saisira. »
Nous sommes des êtres créés par le Dieu infini. Ce devrait être la première pensée à notre éveil et la dernière avant le sommeil.
L’infinitude de Dieu ne s’impose pas, elle est légère comme un papillon, et gentille comme un rire d’enfant.
Il y a un univers infini. Oui. Mais il y a aussi une infinité d’univers infinis. Tout vient de Dieu, lui-même infini.
Après la mort, nous passerons un temps infini à explorer l’infinie Beauté de Dieu.
Leçons de solitude L’hôpital.
Il est peu d’endroits où des solitudes angoissées sont aussi dramatiquement amenées à se rencontrer. Angoisse des patients, bien sûr. Mais aussi celle des soignants. Rencontre de visages, de corps, de mouvements, de rythmes.
Fugace : l’ascenseur.
« Il y a plus de choses dans un ascenseur d’hôpital que dans toute la philosophie. Tous, les uns contre les autres. Les regards : antennes, tentacules, pseudopodes qui se cherchent, se frôlent, se tâtent. S’attardent, se dérobent. Chaleureux ou glacés. Cela va ? Faut bien. Comme un lundi. Médecins et aides-soignantes. Hommes et femmes. Blancs et Noirs. Brèves rencontres. Les élèves, polycopiés de cours à la main. Internes sortant de garde, soulagés, farauds, cools, faussement décontractés. Professeurs et garçons de salle. Tout près, se touchant. S’ignorant. Bref coup d’oeil sur le badge. Symbolique à nu. Frontières imperceptibles, présentes, douloureuses. En être ou pas. Qui c’est ? Ah oui. Tutoiement, prénoms. Salut ! Un malade allongé sur un brancard semble perdu. Le rassurer. Quelques mots. Et puis ne pas oublier d’acheter un journal parce qu’à la consultation faudra attendre. Combien de temps ? Sais pas. Pédiatrie, septième étage. Charlotte. Timide, apeurée. « C’est ton doudou ? – Oui », d’un signe de tête. Vite nounours disparaît. Caché derrière le dos. Jardin secret. Vie privée. Oh là ! Fausse manœuvre. Retour au sous-sol. La radio, la morgue ». (Extrait de Angoisse, le double secret, par Max Dorra, écrivain et professeur de médecine, aux Editions Voix libres Max Milo, Paris février 2017, pages 29 et 30. Max Dorra a écrit sur Proust, Spinoza et Freud).
Ce n’est pas toujours l’assassin qui porte le coup.
Pourquoi avoir peur ? Venant de Dieu, nous vivons (qu’on l’accepte ou non) en Dieu, et nous mourrons en Lui. Après la mort, comme il est écrit dans Isaïe, 11 (Ancien Testament), nous verrons ceci : Le loup habitera avec l'agneau, Et la panthère se couchera avec le chevreau; le veau, le lionceau, et le bétail qu'on engraisse, seront ensemble ; et un petit enfant les conduira. La vache et l'ourse auront un même pâturage ; leurs petits un même gîte; et le lion, comme le boeuf, mangera de la paille…
Le règne de l’Amour succèdera à celui du Démon. Le Monde sera détruit, comme son anagramme le Démon. On verra, on sera dans un autre monde en Dieu, transfiguré par Dieu : mêmes paysages devenus divins, mêmes villes transfigurées, où nous serons, allant et venant, dans une Beauté et une Joie éternelles.
Les spécialistes d’un écrivain ne s’aiment guère. Chacun croit connaître la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, alors qu’en réalité, ils n’ont, pour la plupart, jamais échangé deux mots avec l’écrivain si bien connu par eux, comme ils le prétendent.
Nul ne connait jamais personne. L’être humain échappe à son propre discernement, Qui se connait lui-même ? Un désir vous égare, une méchanceté vous terrasse, une mauvaise action vous empêche de dormir. Et pour le plaisir, peu de contrôle.
L’être humain est un bouchon qui flotte sur l’eau d’un étang peuplé de monstres.
Dans certains couvents, le visage déformé de certains religieux, abîmé par les désirs inassouvis, par une chasteté rancie. Dans la magistrature, certains juges ont des têtes d’assassins. En médecine, certains psychiatres ont des visages de fous. Et nous, quelle est notre tête ?
La distinction de certains hommes, aristocrates âgés, on la rencontrait souvent il y a trente ou quarante ans. On la voyait aussi chez des vieillards paysans. Et sur le visage d’anciens combattants de 14 -18. Mais depuis trente ans, les visages, en général, sont devenus veules, abîmés par le stress des affaires, l’appât du gain, le renoncement à défendre un idéal. Et jusqu’à la caricature.
Les enfants ont pris le large dans le stupre et l’argent. Ce sont les pays lointains, les diplômes exotiques, les couples à courte durée et les vieillards qu’on abandonne.
Que de maris détruits par des mégères dominantes, que de femmes déchiquetées par des pervers narcissiques.
Certains Narcisse littéraires exposent en long et en large leurs coïts, persuadés que cela intéresse le lecteur. Erreur ! Ils tuent leurs livres par ces exhibitions ridicules. « Ces chienneries », disait Montherlant. Il ne restera rien de leurs écrits.
Le monde des Lettres : rivalités sanglantes, haines recuites, jalousies souriantes. Comme le monde du Barreau, de la Médecine, du Clergé, de la Politique. On passerait une heure à énumérer ces lieux de détestation.
L’aristocratie vit sur la défensive, protégée par des masques, par des concepts desséchés (les valeurs !). Fini l’attachement aveugle à un souverain qu’elle critiquera car il ne s’intéresse plus à elle ; le Roi préfère, - grave erreur-, les politiques de qui il n’a rien à espérer et qui l’abandonneront.
Les nobles dans le temps se seraient fait tuer pour le Roi. Maintenant non, ce temps-là est passé.
Mais si la Royauté disparaît, la Noblesse tombera avec elle, et réciproquement. C’est une locomotive avec son inséparable wagon.
°°°
Henry de Montherlant à l’âge de 70 ans
au théâtre de l’Oeuvre où sera jouée sa pièce LA GUERRE CIVILE (1965)
avec Pierre Fresnay et Pierre Dux
« Je me promène comme un spectre parmi les indifférents et les infidèles. Je tâtonne en aveugle dans cet étrange jeu d’ombres mouvantes, où je ne sais pas qui je saisis, où je ne sais pas qui me frappe…Pourquoi suis-je moi ? » (Montherlant, La Guerre civile, Acte III)
°°°
Dans certains couples, l’homme est le bourreau dominé, et la femme la victime dominante. Les enfants forment le chœur de la tragédie : rires et pleurs, caresses, câlins, gifles et cris. Le spectacle continue.
Il y a des maisons à inceste, d’autres à meurtres ; là, des femmes prisonnières de leur mari, ici, des hommes détruits par l’alcool et par les cris de leur femme.
L’horreur du sport pour certains qui voient les foules se presser autour du terrain de foot où 22 joueurs frappent sur un ballon en courant. Victoire, hurlements, délires, insultes, bousculades et parfois tragédie du Heysel.
Sur la tragédie du Heysel (Wikipedia) : Ce mercredi soir, 29 mai 1985, plus de 60 000 personnes doivent assister à la finale Liverpool contre AS Roma, dans l'enceinte du stade du Heysel (Bruxelles). Les conditions de sécurité et de confort sont mauvaises, et en raison de nombreuses failles dans le système de contrôle, plusieurs milliers de fans sans billets ont transformé l'enceinte en boîte de sardines.
La tribune des fans des Reds est séparée du fameux bloc Z par un no man's land d'une quinzaine de mètres. Vers 19 h 10, plus d'une heure avant le début programmé de la rencontre, la tension entre supporters des deux clubs monte d'un cran, se traduisant d'abord par des insultes et des jets d'objets divers. Des fans de Liverpool chargent en direction des gradins du bloc Z, qui devaient être occupés par des Belges neutres mais où se trouvent de nombreux tifosi italiens. Quelques gendarmes postés dans un couloir de séparation entre les deux groupes sont rapidement débordés. L'essentiel des forces de l'ordre belges se trouve alors à l'extérieur du stade, mais les incidents furent insignifiants en ville.
Vers 19 h 20, une centaine d'Anglais envahit la tribune des Italiens. C'est une prise de tribune, typique de la culture hooligan. Sous la poussée, les Italo-Belges qui n'ont pas l'habitude de ces pratiques réservées jusque-là aux Îles britanniques reculent et se replient vers l'autre extrémité de la tribune, causant une bousculade. En bas des gradins, des portes donnant accès à la pelouse sont fermées. Les forces de police présentes sur la pelouse repoussent même des spectateurs qui tentent de fuir par la pelouse. Le piège est en place. Les grilles de séparation et un muret s'effondrent. Des dizaines de personnes sont piétinées et le bilan est lourd : 39 morts au total dont 32 Italiens, 4 Belges, 2 Français et un nord-Irlandais, et 454 blessés.
Les tifosi de la Juve, qui suivent les événements depuis la tribune opposée, tentent alors d'envahir le terrain afin d'aller en découdre avec les fans anglais. La police belge intervient et évite de peu l'affrontement direct. Un fan italien exhibe même un pistolet et le pointe en direction des policiers belges. Les télévisions de l'Europe entière diffusent ces images en direct. La Télévision Suisse Romande avait une équipe de tournage au cœur du drame.
Vers 21 h 30, les capitaines des deux formations lancent un appel au calme. Quelques minutes plus tard, les deux équipes entrent sur le terrain. Selon l'UEFA, un report du match aurait risqué de raviver la violence. La Juventus l'emportera sur le score d'un but à zéro, marqué par Michel Platini sur penalty accordé pour une faute commise de Gary Gillespie sur Zbigniew Boniek près d'un mètre au-dehors de la surface de réparation.
À la fin du match, les joueurs de la Juventus font un tour d'honneur que ne comprennent pas les tifosi. En fait, ils agissent à la demande de la police belge qui utilise ce laps de temps pour évacuer rapidement les supporteurs anglais. La coupe sera remise au club italien en privé, dans un couloir du vestiaire
La tranquillité profonde du chien réuni à son maître. Calme et sommeil sur le canapé trois places où le lévrier a étendu ses longues pattes.
Elle est fille unique, dominée par sa mère. A quarante ans, divorcée et mère d’une petite fille, elle s’épuise à échapper aux intrusions maternelles. Son père ne la protège pas, évitant toute dispute avec l’épouse. Les coups de téléphone quotidiens, les interrogatoires, les mails, les reproches, les visites à l’improviste de la mère qui dit ne vouloir que le bien de sa fille, l’étouffent. Ses tentatives d’éloigner sa mère la culpabilise. Elle respire durant les voyages lointains de ses parents en vacances une fois par an. Dès son retour, la mère la harcèle. Mère toxique, fille victime. Mère méchante, dit sa fille. Elle ne peut envisager la rupture. L’argent, dit-elle.
Nous emporterons dans la mort comme dernière pensée le visage des êtres que nous avons aimés dans une fusion totale et sur une longue durée. Aucun reproche ne sera fait. Souvenirs les plus exquis, impérissables. Sommets de notre vie et reconnaissance éternelle.
Puissent les êtres toxiques ne pas se pencher sur notre lit de malade ou d’agonie. Ils seraient capables de tripoter les manettes médicales. Pour notre bien, naturellement.
Les vieillards qui titubent, perdent la mémoire, ont de petits accidents de voiture, leur compte est bon. Malheur à eux ! La famille avertit la compagnie d’assurance qui annule le contrat du véhicule. Finis l’indépendance et le plaisir d’aller de-ci de-là. Au piquet maintenant !
Pépé ou Mémé sans leur véhicule dépriment, sortent moins, les chers enfants surveillent les comptes, gèrent les biens, iront jusqu’à la désignation d’un tuteur par la voie judiciaire, et point final, dernière étape, l’enfermement en clinique psychiatrique avec l’aide de médecins, de juges et d’avocats compréhensifs, qui achèvent le vieillard, réduit à perdre la mémoire, à oublier le nom même de ses enfants. Alzheimer, dit la famille qui n’a plus rien à perdre et tout à gagner.
Faut-il fêter l’anniversaire d’un vieillard ? Je refuse ces réjouissances macabres.
Mamy chérie souffle les bougies joyeuses qu’on allumera bientôt dans la chambre de son agonie.
Les vieillards en institut, gardés comme des moutons, avec pour certains une interdiction de sortie, infantilisés par le personnel qui les tutoie, forcés de chanter de petites chansons tous ensemble, ou d’agiter les pieds et les mains pour la circulation sanguine, et le jour de Noël à table, un chapeau en papier sur la tête, devant un morceau de dinde à mastiquer difficilement, malgré les airelles aux couleurs de sang.
L’amour platonique ne meurt jamais.
Montherlant disait : « Tout ce qui est atteint est détruit ».
L’amour platonique est une conception philosophique des relations amoureuses qui date de la Renaissance : elle fut en effet mise en évidence par le philosophe humaniste Florentin Marsile Ficin au XVIe siècle sous le nom latin d’« Amor platonicus ».
Il s'agit d'un amour chaste, en dehors de toute sensualité, de type intellectuel, et sans que l'envie de relations sexuelles ne se distingue. Il symbolise souvent la perfection de l'appariement de l'homme et de la femme, et passe également pour « le plus poétique et le plus puissant des amours » qui s'oppose à l'amour « vulgaire », destiné à la reproduction de l'espèce humaine.
(Wikipedia).
« Je ne sais pas si j’avais compris qu’il fallait courir parce que, de chaque côté de la porte et le long de la Lagerstrasse, en une double haie, tout ce que le camp comptait de SS en jupes, de prisonnières à brassards ou à blouses de toutes couleurs et de tous grades, tout cela était armé de cannes, de bâtons, de lanières, de ceinturons, de nerfs de bœuf et battait comme un fléau tout ce qui passait entre les deux haies. Eviter un coup de bâton, c’était tomber juste à temps sous une lanière. Les coups pleuvaient sur les têtes, sur les nuques. Et les furies vociféraient : Schneller ! Schneller ! Plus vite, plus vite, en battant du fléau pus vite, toujours plus vite ce grain qui s’‘écoulait, courait, courait. Je ne sais pas si j’avais compris qu’il fallait courir parce qu’il y allait de la vie. Je courais. Et il ne venait à aucune de ne pas se conformer à l’absurde. Nous courions. Nous courions ». (Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra, Auschwitz et après, tome 1, p.60, Les Editions de Minuit)
Note : Charlotte Delbo née le 10 août 1913 à Vigneux-sur-Seine et morte le 1er mars 1985 à Paris, est une écrivain française, femme de lettres, engagée dans la Résistance intérieure française qui a vécu la déportation.
Une grande partie de son œuvre littéraire, à l'égal de celles de Robert Antelme et de Primo Levi, témoigne de ce qu'elle a vu et vécu dans les camps d'Auschwitz-Birkenau et de Ravensbrück.
Charlotte Delbo (1913-1985)
Écrire commentaire